Opinion | Elections américaines : en cas d’égalité, c’est Trump qui gagne
Les institutions américaines garantissent une réélection de Donald Trump en cas de résultat serré ou contesté au soir du 3 novembre prochain, explique l’avocat Anthony Lacoudre dans une tribune.
Par Anthony Lacoudre (avocat)
A la dernière élection présidentielle américaine du mois de novembre 2016, Donald Trump est arrivé en tête dans 60 % des Etats, emportant 306 grands électeurs (il suffisait de 270), contre seulement 232 pour Hillary Clinton. Ces chiffres triomphants masquaient en réalité une victoire miraculeuse de Donald Trump, qui s’est jouée à un fil, plus précisément à 87.400 voix près, sur un total de 136,7 millions de bulletins déposés dans les urnes.
En effet, dans le Michigan, en Pennsylvanie et dans le Wisconsin, Donald Trump a raflé l’ensemble des grands électeurs de chacun de ces Etats (46 au total) mais en devançant sa rivale démocrate respectivement de seulement 10.700 voix dans le Michigan, de 49.500 voix en Pennsylvanie et de 27.200 voix dans le Wisconsin.
Le nouveau président était donc élu triomphalement grâce à un peu plus de 87.000 personnes, et ce, alors même qu’Hillary Clinton remportait largement le vote populaire, en obtenant plus de 2 millions de voix de plus que son rival Républicain à l’échelle de la nation. Si Hillary Clinton
avait emporté ces trois Etats (qui avaient voté massivement en faveur de Barack Obama en 2008 et en 2012), elle serait devenue la 45e présidente des Etats-Unis en novembre 2016 avec 278 grands électeurs, contre 260 pour Donald Trump.
Le Président désigné par la Chambre des représentants ?
Cette année encore, tout peut se jouer sur le fil. Les derniers sondages donnent Donald Trump et son adversaire démocrate Joe Biden au coude-à-coude. Il n’est donc pas inconcevable que Donald Trump et Joe Biden emportent chacun le même nombre de grands electeurs. Par exemple
si Donald Trump arrive en tête en novembre prochain dans l’ensemble des Etats qu’il a emportés en 2016, sauf l’Arizona, le Michigan et le Wisconsin, alors chacun des deux candidats aurait 269 grands électeurs.
Dans ce cas, la Constitution américaine prévoit que le Président est désigné par la nouvelle Chambre des Représentants et que le vice-président est désigné par le Sénat. En supposant que les démocrates conservent la majorité à la Chambre des représentants (qu’ils ont obtenue en
2018), cette nouvelle Chambre devrait donc désigner logiquement Joe Biden en janvier 2021. De même, en supposant que les Républicains conservent la majorité au Sénat (qu’ils détiennent
depuis 2014), Mike Pence serait alors reconduit dans ses fonctions de vice-président, ce qui formerait un duo assez cocasse.
En réalité, la Constitution prévoit un mécanisme plus complexe s’agissant de la désignation du Président car le vote à la Chambre des Représentants ne se fera pas à la majorité des 435 députés
mais par les délégations de députés représentant chacun des 50 Etats, chaque délégation ayant une voix. Par exemple les 53 députés élus dans les différentes circonscriptions de la Californie
devront désigner l’un ou l’autre des candidats, pour lui donner 1 voix. Pour être désigné président de la République, Joe Biden devra donc recevoir plus de 25 voix. Or, même s’ils sont majoritaires dans cette assemblée, les députés démocrates représentent actuellement de façon majoritaire seulement 22 Etats…
S’il en va de même avec la composition de la nouvelle Chambre résultant des élections du mois de novembre prochain, alors la Chambre à majorité démocrate désignerait paradoxalement Donald Trump pour un second mandat – et le Sénat vraisemblablement élirait Mike Pence comme nouveau vice-président, au détriment de Kamala Harris.
Un mécanisme plus simple au Sénat
S’agissant du Sénat, où les Républicains ont une majorité de trois sièges depuis 2018 (53 contre 47), il n’est pas impossible toutefois que certains sénateurs sortants Républicains aient du mal à être réélus, comme par exemple dans l’Arizona, la Caroline du Nord, le Colorado ou le Maine. Si
au lendemain des élections du mois de novembre, Donald Trump et Joe Biden emportent le même nombre de grands électeurs et le Sénat est composé de 50 sénateurs démocrates et de 50 sénateurs républicains, l’actuel vice-président Mike Pence pourrait alors départager le vote à 50-
50 en votant… pour lui-même.
Enfin, en cas de résultat incertain suscitant des contestations devant les tribunaux au soir de l’élection présidentielle, la décision finale revient à la Cour Suprême, comme ce fut le cas par exemple en novembre 2000 pour l’élection de George Bush Jr contre Al Gore. Or, avec le récent
décès du juge démocrate Ruth Ginsburg, qui devrait être remplacée d’ici à la fin du mois d’octobre par un juge Républicain, la Cour Suprême décidera potentiellement du résultat de l’élection présidentielle avec une majorité de 6 juges républicains contre 3 juges démocrates.
Anthony Lacoudre est avocat à New York.