Et si le Système voulait Trump pour tuer la contestation dans l’œuf ?
Il y a quelques mois j’avais, sur un coup de cœur, écrit quelques mots sur ce que je voyais croître en France : l’idée fausse, ou plutôt le malentendu – compréhensible pour des observateurs loin de l’Amérique –, d’une sorte de parallèle entre Trump et Le Pen, entre Donald et Marine. J’avais alors dit que, même si l’on pouvait trouver des similitudes dans le mécontentement ambiant et la défiance dans les médias en France comme aux « States », il fallait faire attention de ne pas interpréter avec des yeux de Français une réalité américaine complexe.
Il y a deux campagnes parallèles, démocrate et républicaine. Le mouvement contestataire (Sanders et Trump) représente la majorité idéologique qui, comme chez nous, casse les clivages anciens. Les gens font de moins en moins confiance aux médias dominants, Internet ayant démontré leur bassesse et leur jeu de dupes. Une speakerine, illégitime, pistonnée et grassement payée, n’ira jamais servir la soupe au Front National. Le FN, c’est l’inventaire le lendemain du deuxième tour, c’est faire les comptes… Et l’inventaire doit rester caché. Les gens de bien (qui ont du bien) le savent. Aux USA, comme en France, ce mouvement, cette agitation souterraine augmente. Elle est légitime et le pouvoir s’en méfie.
Puis il y a la personne qui représente ce mouvement contestataire, et c’est là que le malentendu commence. Marine d’un côté, avec une expérience de la vie politique solide. Une équipe, aussi, formée sur tous les sujets. Les déclarations sont le fruit d’une mûre réflexion. Des coups de gueule parfois, il le faut, et c’est tant mieux, mais un programme solide depuis des décennies.
Trump : Discours chocs et franchement pas très sérieux. Ce mur dont il parle… qui n’a rien à voir avec nos frontières nationales (autre malentendu), ou ses sorties sur certaines journalistes, aigries car elles « doivent avoir leur règles »… Un programme inexistant ou presque. Des positions qui peuvent changer d’un mois à l’autre, suivant l’État à remporter.
Alors je me pose la question : pourquoi lui ? Souvenez-vous des élections américaines en 2008 où, pour faire élire un Obama, on mettra en face de lui McCain et l’improbable Sarah Pallin. Une farce totale dont même les Républicains ont encore honte. Je m’étais déjà dit à l’époque que tout cela sentait mauvais, et qu’on avait mis en place un ticket « oldschool-idiote » pour être bien certain de faire élire Obama, vendu par les médias comme le Messie.
Je tente alors de comprendre pourquoi c’est un Trump qui représente la colère justifiée et authentique du peuple américain ? Pourquoi un milliardaire qui n’a aucune culture politique et historique représente ce « mouvement contestataire » ? Et si le système en place avait besoin d’un type comme lui pour montrer aux milliers de gens tentés de se rassembler dans cette contestation que son discours (et par extension leur colère légitime) n’est en fait que du cirque? Rien de bien sérieux, du blabla pour crétins incultes. La colère du peuple est ainsi habilement détournée au profit de celui censé la représenter. Hillary Clinton, avec des casseroles à réveiller les Dieux, ne peut gagner qu’avec un frénétique en face d’elle.
Un Trump, faible dans son programme politique, condamne de facto ce pourquoi les gens le rejoignent. Un Trump, excité et dans la démesure, prouve une bonne fois pour toutes que les revendications du peuple sont elles aussi démesurées. Un programme irréaliste pour Redneck qui poussera le brave gars a finalement se raviser. Un peu comme en France, quand on joue sur la sensibilité d’un électeur qui ne veut pas être labellisé comme facho ou idiot et qui finira par ne pas voter FN. Même technique. On noie le poisson et il pourrira. Et par la tête et par la queue.
Denis Franceskin