Vous nous avez demandé de vous adresser quelques retours, alors en voilà.
Difficile de représenter la communauté française locale dans sa complexité (je préfère ce terme à “diversité” que je trouve trop connoté) Chacun est ici de passage – au contraire d’autres territoires – avec une histoire particulière, un bagage professionnel particulier et des plans pour le futur qui lui sont propres.
Nous sommes par contre tous venus ici en ayant préparé notre départ, pesé le pour et le contre, discuté en famille, et parce que nous y trouvions notre compte. On peut ensuite réaliser avoir fait une erreur – le secteur est dur, pas d’aides et on y perd son emploi facilement – mais tous ceux qui restent s’en sortent raisonnablement, et ne feront pleurer personne. Il y a des avantages (financiers, mais aussi professionnels, des responsabilités que l’on n’aurait pas eu en France) et oui, quelques désagréments (éloignement, perte d’avantages sociaux français..) Mais que penserait-on de gens qui se plaindraient du sable et de la chaleur, des chameaux et des mosquées (au hasard) ? Ils auraient pu y penser avant, non ?
J’ai donc trouvé que c’était un peu le bureau des pleurs à certains moments, même souvent, comme ces gens qui divorçaient et trouvaient ça compliqué … mais tout le monde le sait, et depuis toujours (parlez-en aux épouses d’Algériens des années 70-80, qui interpellaient Pierre Mauroy avant une visite dans ce pays, car leur ex-conjoint avait disparu avec les enfants de l’autre côté de la Méditerranée – qu’y faire ?)
Ainsi également ces deux dames – binationales, tiens donc – dont l’une s’est mise à crier “que fait la France ? que fait la France ? ” pour un problème personnel de divorce, et l’autre qui n’ayant pas de domicile en France, vivant à Dubaï avec son mari étranger (et d’où ?) se plaignait de ne pouvoir inscrire son fils de trois ans dans aucune école en France. Vous avez fort bien répondu en énonçant les âges minimaux et les obligations légales de scolarité. Toutes les deux sont alors reparties sur leur manque de revenus qui était un obstacle à leur installation en France (“retour” me semble moins approprié) Je n’ai pas pu me contenir, et sans accabler néanmoins ces pauvres femmes, ai quand même rappelé que le manque de revenus est un problème pour tout le monde quand ça arrive, pour moi comme pour elles, à Dubaï comme en France, au Brésil comme au Zimbabwe et chez les Moldo-Valaques !
Vous avez bien sûr remarqué – ne me dites pas le contraire – que l’esprit revendicatif se manifeste plus dans certaines communautés prétendûment victimisées, au motif douteux qu’il y aurait des dettes à recouvrer. Et c’est comme ça qu’on arrive à s’excuser pour Haïti en 1816, et que j’entends dire à Dubaï ” vous avez colonisé l’Afrique !” à des Polonais ou des Bulgares, devenus des “Occidentaux” par magie …
Un mot de l’immobilier : vous parliez de louer votre bien resté en France, pour avoir un logement lorsqu’on revient – parfois sans préavis, ici on est facilement dehors….
mais alors vous ne pouvez pas en profiter, car expatrié ou pas, il vous faut des mois ou des années pour que vos locataires s’en aillent, la loi est ainsi faite. Alors vous le laissez vide, mais on vous taxe ce logement vacant, et surtout, surtout maintenant vous avez un effroyable risque que des squatteurs s’installent chez vous, n’est-ce-pas ? (sauf chez moi en Corse, là on ne sait même comment ça s’écrit, squatter…)
Alors vous vendez (vendez vite avant de partir, car une fois expatrié, le fisc va vous massacrer sur le plus-values) et vous vous retrouvez avec un capital, vous vivez désormais à l’étranger..et là vous commencez à découvrir d’autres opportunités (Thaïlande, Malaisie, Seychelles, Maurice) car les années passent, votre famille disparaît, vos amis s’éloignent et vous vous dites, pourquoi rentrer ? Beaucoup d’Européens (Hollandais, Allemands, Anglais bien sûr) font cette démarche autour de nous ici. Je ne dis pas que cela sera mon choix, mais on y pense parfois. Dans mon cas ce sera ou la Corse, ou la Crimée, si cela vous intéresse (c’est votre secteur je crois – et le fait que l’UE ait déclaré illégales les acquisitions immobilières en Crimée me fait
doucement rigoler) Petit aparté puisque c’est votre zone : ne vous imaginez pas que la Russie puisse un jour rendre ce territoire aux Ukrainiens, qui ont préféré se vendre aux Américains. Si ce qui s’est passé ne s’était pas produit, cela aurait été l’OTAN qui se serait installé à Sébastopol, ils avaient déjà commencé les visites et choisi leurs implantations…
On parlait de capital : si vous en avez un à un certain moment faites en sorte qu’il ne revienne pas en France (pour se le faire taxer, alors que vous vivez à l’étranger depuis dix, vingt ans ?) Dommage pour tout le monde.
Les retraites maintenant : vous avez semblé compatir l’autre soir… une retraite correspond au solde, à la liquidation d’une activité passée prise dans son ensemble, il n’y a pas de raison à revenir dessus, sauf astuce de Bercy, et comme on ne peut rien dire…
Les impôts : on en paye sur ses revenus français, et le reste, c’est à l’étranger et ça y reste, comme notre vie tant qu’elle y dure. Chacun fait désormais sa sauce (et il y en a des activités, de ces médecins libéraux qui partent en congé quelques mois régulièrement, avec quelques collègues avec qui ils alternent pour faire tourner une clinique ici, à ces mercenaires de divers corps sous contrat local qui font on ne sait trop quoi ici, et à ces consultants qui étaient si nombreux l’autre soir…) Quant à moi, je suis gérant d’un sauna gay, et d’une agence de casting en Slovaquie.
Et à ce propos, la séance de questions a commencé par l’intervention d’un avocat fiscaliste, qui disait “on étudie à Bercy la possibilité de taxer les revenus gagnés à l’étranger” et il conseillait de voir un avocat fiscaliste, cet … avocat fiscaliste ! Vieux serpent de mer, propre à réveiller la fin d’un dîner d’expatriés un peu sommeillant. J’ai pris la parole pour dire que cela ne se ferait pas, tout simplement, car :
– comment savoir ce que gagnent ces expatriés (les mercenaires payés en cash, métier interdit en France)
– près de 200 pays dans le Monde, plus si l’on considère les Etats (Delaware) les îles (Jersey, Caymans) les … émirats par exemple (!) Bon courage pour fouiller dans tout cela, une convention à chaque fois (et encore)
– et comme tous ces territoires ont intérêt à ce que des gens viennent chez eux pour faire fonctionner leur économie, on pourra compter sur leur franche coopération, en dépit de belles proclamations d’intention… mais on peut continuer à faire peur aux gens !
Enfin la couverture médicale : eh oui, vous l’avez reconnu, il est plus avantageux d’arriver sans papiers du fin fond du Soudan, que Français démuni revenant d’Afrique suite à une révolution. Vous avez bien voulu dire que les Français expulsés il y quinze ans de Côte-d’Ivoire (et dont on a alors honteusement caché les exactions abominables subies par les femmes notamment, demandez aux pilotes sud-africains qui les évacuèrent…) que ces gens-là avaient effectivement posé problème, merci pour eux. Vous vous en êtes sortie en disant que les hôpitaux français ne feraient pas payer les soins si besoin avéré (trop bons, sauf que c’est pareil pour les Soudanais précités !)
Ceci pour les expatriés. Je ferais deux exceptions : les faux expatriés, qui passent plus de temps en France qu’à l’étranger, et là je ne pleurerai sur aucune sanction, on l’est ou on ne l’est pas, le reste est fraude et mensonge. Et à propos de fraude, sachez que l’on trouve parfois des gens aux indemnités de chômage, suite à une faillite de boîte en France, qui ont retrouvé du travail dans la même branche à l’étranger … et qui pendant une voire deux années vont continuer à toucher ces indemnités, n’ayant rien déclaré. Cela ne me semble pas correct, le chômage est fait pour ceux qui sont en détresse et dont il convient de ne pas se moquer, et je considère que c’est plus
qu’indû. En ayant parlé au Consulat, j’ai appris l’existence de contrôles, pas assez sévères à mon sens.
Je voudrais conclure en parlant de la sécurité dont nous profitons ici aux Emirats. Sachez qu’elle est quasi-absolue : vols, agressions dans la rue, incivilité, insultes, bagarres d’ivrognes, trafic de drogue sont en effet quasi-inexistants, pour peu que l’on reste dans les secteurs “familiaux” Alors voyez-vous, sans aller jusqu’aux pauvres Sud-Africains qui viennent trouver ici réconfort et sécurité avec leurs familles pour échapper à leur pays désormais ruiné et saccagé, on peut dire qu’on se plait bien ici en tant que Français et que nous sommes nombreux à tordre le nez quand nous rentrons dans ce qui était notre beau pays. Pourquoi rentrer, où rentrer ? Je viens de refuser un poste plus qu’intéressant près de Nîmes : désolé, je ne veux pas de la mixité sociale de cette région, pour mes enfants notamment. Vous voulez plus de détails ? Parcourez les quelques illustrations que je vous mets en pièces jointes.
Egalement à titre archéologique, l’appel de notre parti aux électeurs de Dubaï tel qu’adressé il y a presqu’un an. Eh oui, nous avons perdu !
Voilà, vous aurez compris que je ne fais pas partie du chœur des pleureuses tel qu’il s’est parfois exprimé l’autre soir en face de vous. Je suis heureux de ma vie, de mon environnement, et si je me fais du souci, ce n’est pas pour moi mais pour la France (et qu’on arrête de me parler de République à tout bout de champ)
Il me reste à vous remercier de nous avoir écoutés ce soir-là, et je vous souhaite réussite dans cette mission que le Premier Ministre vous a confiée. Vous pouvez juste dire à votre collègue marocaine de la 10° circonscription de faire un peu plus de bruit ?
Respectueusement
Vincent GOJON
RN Dubaï