60 ans de la Constitution : sauver les nations pour sauver l’Europe


Tribune de Marine Le Pen, Présidente du Rassemblement National

Si son décor n’a pas changé, ses acteurs n’ont plus rien à jouer : la Ve République, qui fête aujourd’hui ses 60 ans, est devenue un théâtre d’ombres, vidée de sa substance démocratique et privée de son principe fondateur, la souveraineté du peuple français.

Le principe de souveraineté nationale est en effet rappelé dès les premiers mots du préambule de notre Constitution : « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale. »

Le titre premier de notre texte constitutionnel lui est entièrement consacré tout comme l’article 3 de la Déclaration de 1789, à laquelle le texte de 1958 se réfère, selon lequel « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. »

De Gaulle et les rédacteurs de notre Constitution ont sacralisé ainsi un principe autant protecteur que fondateur, forgé par mille ans d’histoire de France.

A l’extérieur, pour résister hier au Saint-Empire romain germanique et à la Papauté, puis en 1958 pour s’opposer aux visées hégémoniques des deux superpuissances américaine et soviétique, mais aussi à la prétention de souveraineté absolue d’une Europe supranationale balbutiante. A l’intérieur, pour contenir hier les féodaux, en 1958 le gouvernement des juges, des experts ou encore les puissances d’argent.

La Constitution de 1958, tirant les enseignements de notre longue histoire et mettant au centre de nos institutions le peuple souverain, fait apparaître de Gaulle comme le dernier des Capétiens et le premier des souverainistes.

Las, il a suffi de quelques décennies pour que le socle de nos institutions soit dynamité par ceux-là mêmes qui auraient dû le protéger.

Le coup majeur porté à notre Constitution et son fondement qu’est la souveraineté fut la reconnaissance de la primauté du droit communautaire sur la loi nationale en mettant fin au principe juridique fondamental dit de la « loi-écran » : aujourd’hui, une majorité parlementaire issue des urnes ne peut plus aller à l’encontre d’un texte communautaire édicté par la bureaucratie bruxelloise.

La ratification de la Convention européenne des droits de l’homme donna ensuite le droit au juge étranger de s’immiscer dans nos affaires intérieures. De Gaulle avait pourtant toujours refusé de la ratifier, arguant que la patrie des droits de l’homme signait ces conventions pour la forme, mais qu’elle n’avait pas besoin d’un juge pour savoir comment les appliquer. La ratification se fit en catimini par Alain Poher, un président de la République par intérim…

Avec le traité de Maastricht, un autre cap fut franchi : celui du passage du vote à l’unanimité au vote à la majorité dans des domaines essentiels. En 1965, de Gaulle avait refusé un tel abandon de souveraineté en pratiquant la politique de la chaise vide et en obtenant au final le compromis du Luxembourg.

A partir du traité de Maastricht, véritable abdication de la souveraineté du peuple, notre Constitution cesse d’être notre loi suprême au même titre que le peuple français cesse d’être souverain. Pour preuve, les traités ne sont plus négociés dans les limites et le cadre fixés par la Constitution, mais c’est au contraire cette dernière qui s’adapte, à coups de révisions, aux nouveaux traités et transferts de souveraineté successifs.

Et lorsqu’un traité est rejeté par referendum par le peuple souverain, ses propres représentants, le président de la République et le parlement, passent outre en votant une copie conforme de ce dernier deux ans plus tard.

Ainsi, l’arbitrage présidentiel, le contrôle de constitutionnalité des traités et le recours au referendum populaire, qui étaient les trois garanties constitutionnelles de sauvegarde de la souveraineté nationale, ont été les unes après les autres contournées par nos gouvernants, pressés d’entrer dans une servitude volontaire et acceptant de se soumettre au principe de souveraineté limitée.

Or, la liberté des peuples n’existe que par l’exercice de leur souveraineté, seule garante de leur indépendance nationale.

Cette liberté, les peuples européens la reconquièrent, scrutin après scrutin partout sur le vieux continent. Cette volonté de se réapproprier son destin secoue le joug fédéraliste de Rome à Vienne en passant par Varsovie, Prague, Bratislava….

Contrairement aux prédictions les plus insensées des technocrates mondialistes, le concept d’Etat-Nation n’est nullement dépassé. Il est plus que jamais vivant, car il repose sur le fondement inaliénable du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et réaffirme avec force que la démocratie se confond avec la souveraineté.

N’en déplaise à Jean-Claude Juncker, Emmanuel Macron ou encore Angela Merkel, les choix démocratiques demeurent supérieurs aux traités européens, c’est l’esprit même de notre République et de nos institutions et c’est tout l’enjeu des élections européennes du printemps 2019.